Une de mes abonnées m’a posé la question suivante : pourquoi ne montres-tu pas le visage de tes enfants sur tes réseaux sociaux? En effet, depuis la naissance de mon premier, j’ai décidé de ne pas dévoiler leurs identités sur mes plateformes : je n’ai jamais dit leurs vrais noms, je n’ai pas partagé leurs dates de naissance et je ne mets pas d’images d’eux où ils seraient facilement identifiables.
Ça ne veut pas dire que mes enfants sont totalement absents de mes réseaux. Je les publie de dos, hors cadre ou hors focus. Je leur donne des pseudos, Timoun et Fredi. Oui, je parle d’eux car je fais du contenu art de vivre et maternité, et je n’arrive pas vraiment à faire abstraction de leur existence. Mais je limite le plus possible les informations spécifiques sur eux. Si je parle de quelque chose qu’on vit en famille, ce sont des choses génériques qui arrivent littéralement à tous les parents d’enfants de ces âges. Je ne dévoile aucune info privée sur eux, comme par exemple, leurs informations médicales.
Mais ça fait encore sourciller que je ne publie pas leur image, quand des milliers de parents qui font du contenu famille montrent leurs enfants sans aucun problème. Je voulais donc partager mes raisons de ne pas le faire, sans pour autant juger ceux qui ne suivent pas la même route que moi.
1. Parce que mes enfants n’ont pas la capacité de consentir à la diffusion de leur image
Ma première raison, et qui devrait être la seule, c’est tout simplement que mes enfants (mineurs) ne peuvent pas consentir à ce qu’on diffuse leur image et leur identité. Vous allez me dire qu’ils ne peuvent pas consentir à plein d’autres choses, pour lesquelles je choisis pour eux en tant que leur mère. C’est vrai.
Mais entre exposer leur identité à 10 000 personnes sur Instagram, ou consentir à ce qu’ils reçoivent certains médicaments quand ils sont malades, il y a un monde de différence. La première chose ne sert strictement à rien d’autre qu’a booster mon égo, l’autre, à les maintenir en santé. Imaginez être sur la scène d’une salle de spectacle remplie de centaines et milliers d’étrangers (dont certains avec qui vous ne seriez jamais amis ou à l’aise, si vous les connaissiez) et leur faire défiler un diaporama sur votre famille, incluant des détails précis sur vos enfants : leur nom, âge, lieu de résidence, multiples photos d’enfance… C’est littéralement ce qu’on fait quand on publie les photos des enfants sur des plateformes publiques, sans même leur demander la permission.
Il m’est arrivé de publier une photo de famille ici et là, ou bien des images où mes enfants ne sont pas vraiment reconnaissables ou pas le focus du contenu. Mais même là je me limite parce qu’encore une fois, mes enfants n’ont aucune façon de consentir à ce que j’utilise leur image pour mon contenu, et j’essaie d’utiliser mon veto de parent avec le plus d’éthique possible pour éviter des retombées regrettables.
2. Parce que je ne contrôle pas ce qui arrive avec les images publiées sur Internet
Je partage des images de moi sur Internet depuis plus de douze ans, à travers mon blogue, mes vidéos YouTube, sur Pinterest ou des pages Facebook et Instagram… Et depuis autant de temps, certaines de mes photos se sont ramassées sur des affiches publicitaires pour des produits douteux dans des pays étrangers, ou même sur Tinder en mode catfish. La plupart du temps, ce sont mes abonné.es qui m’avertissent de l’usage illicite de mes photos.
Donc je sais depuis plusieurs années que n’importe qui, n’importe où, peut télécharger mes photos/vidéos, les éditer, les associer à n’importe quoi, les imprimer et les afficher, sans que je ne puisse rien y faire. Un meme est si vite créé! Et oubliez les poursuites judiciaires. Dans le monde réel, ça ne me servirait à rien de payer des milliers de dollars à un avocat parce que des gens qu’on ne peut même pas retracer ont photoshoppé ma photo pour vendre une huile capillaire louche, à Lubumbashi (vraie histoire). Je sais que n’ai aucun contrôle sur les images une fois que je les ai envoyées sur Internet, et je serais incapable de faire face à une situation où j’aurais mis mes enfants dans cette position.
3. Parce que je ne veux pas donner du matériel aux mauvaises personnes
Pour l’instant – et à ma connaissance, rien de trop sinistre n’est arrivé avec les images de moi qu’on a détournées. Mais quand j’ai appris que des pédophiles s’organisent en réseau pour s’échanger des images d’enfants – même les plus innocentes, les plus banales, ça a renforcé ma décision de ne pas diffuser les photos de mes enfants. Mes enfants ne sont pas plus cute ou plus spéciaux que les autres, mais c’est tout à fait prouvé que plus un nombre grandissant de parents publient des photos de leurs enfants, plus ça donne du matériel aux mauvaises personnes. L’enfant n’a pas besoin d’être dans une position “compromettante” ou graphique. Dans les mains des prédateurs, ça devient quand même du bonbon pour eux.
Il y a également des personnes qui volent des photos de bébés et d’enfants pour les faire passer pour les leurs. Je suis même tombée sur un compte TikTok où une personne offrait des bébés “en adoption”. Sauf que les bébés filmés, c’était des vidéos prises sur d’autres comptes et qui n’avaient strictement rien à voir. Dans les commentaires, les gens demandaient le prix des bébés, ou d’autres commentaires pires. Imaginez si une photo/vidéo cute et innocente de votre enfant se ramassait sur ce genre de compte? Horrible.
4. Parce que les gens sur Internet n’ont aucun savoir-vivre
Un autre aspect qui me répugne des sections commentaires sur Internet, c’est la méchanceté des gens qui se cachent derrière leurs écrans. À mon grand âge, les commentaires idiots (mais rares heureusement) sur ma personne me passent complètement par dessus la tête. Mais si on disait le moindre mal de mon enfant dans un commentaire, je serais incapable d’assumer. Risquer de la haine gratuite envers mes bébés, non merci.
5. Parce que je veux limiter les relations parasociales un peu bizarres
Je partage beaucoup de moi sur Internet depuis de nombreuses années et pour cette raison, plusieurs personnes ont l’impression de bien me connaître. Ça développe des relations à sens uniques où les gens me voient, m’entendent, me “suivent”… mais moi je n’ai aucune idée de qui elles sont. Bref, une relation parasociale.
Je suis chanceuse parce que j’ai une communauté hyper positive, majoritairement de femmes de mon âge et qui partagent les mêmes réalités que moi. N’empêche qu’il m’est arrivé de recevoir des messages privés perturbants ou qui dépassent mes limites. Pour cette raison, je voulais absolument éviter d’exposer mes enfants à des gens qui développeraient des relations parasociales envers eux. Il est arrivé qu’on m’aborde en public, et qu’on me parle de choses que j’ai publiées ici et là. C’est correct, je me suis mise dans cette position.
Mais je me mets à la place de mes enfants : si je publiais tout sur eux pendant des années, et que des totales inconnues viendraient les aborder et leur raconter leur vie et leur poser des questions… Ce serait weird pour eux!
6. Parce que je ne veux pas entacher la relation que j’ai avec eux
Je rebondis donc sur mon point précédent pour vous parler de mon enfance. Je me souviens de ces moments où ma mère racontait des anecdotes sur moi à des proches. C’est normal, même moi je fais ça. Mais je me souviens aussi comment ça me faisait sentir quand j’étais ado: ma mère racontait les choses avec sa perception de mère, qui n’était pas la mienne à 15 ans. J’étais gênée ou honteuse de certaines histoires. Aujourd’hui je ne lui en veux pas du tout, mais ça m’a appris que je ne peux absolument pas tout dévoiler sur mes enfants – et encore moins à l’internet, même si moi je trouve ça drôle ou not a big deal.
C’est pourquoi je déteste absolument les vidéos où les parents font des pranks humiliants pour leurs enfants (tsé quand le parent rigole mais l’enfant pleure), les vidéos où on les punit, ou encore où on leur fait la leçon pour leur faire bien honte. Les vidéos où on dévoile tout leur historique médical au moindre petit bobo et où on les photographie dans leur pire moment, malades et faibles.
Rire ou se défouler avec la famille ou les amis proches, c’est une chose, car tout parent a besoin de conseil et de soutien. Mais tout dévoiler à la terre entière… Je n’aurais pas pardonné à ma mère si elle avait été en position de diffuser ces moments gênants ou vulnérables avec l’internet au grand complet.
Bref, je ne veux pas risquer la relation de confiance que j’ai avec mes enfants pour faire rire des étrangers sur Internet, ou les exposer à de l’humiliation sur le web ou dans la vraie vie.
7. Parce que je ne veux pas exploiter mes enfants pour des Like
Je vais être honnête : quand je publie des contenus où on voit mes enfants, j’ai plus de vues, des likes, des commentaires adorables. Encore une fois, c’est positif, les gens ont l’impression de me connaitre et donc “s’attachent” à mes enfants. En suivant cette logique, la façon la plus rapide et facile pour moi de faire grossir mes comptes serait de… publier mes enfants! Il y a une raison pour laquelle les chaines de family vlog sont si populaires. C’est très payant et certaines familles en font un business très lucratif.
Mais voilà… Utiliser mes enfants à cette fin me donnerait l’impression de les exploiter pour de l’argent ou pour mon ego. Constamment lier des moments de famille intime à du travail destiné au public est absolument épuisant pour des enfants.
9. Parce que c’est dangereux
Les fameuses annonces de naissance… c’est cute hein! Mais quand ça contient le nom complet, la date et l’heure de naissance de l’enfant, qu’on connait le nom de la mère et qu’on peut facilement savoir où elle a accouché… c’est si risqué!
On vit dans un monde tellement rempli de fraudes de plus en plus sophistiquées, c’est littéralement offrir sur un plateau d’argent toutes les informations nécessaires pour voler l’identité d’une personne. Svp, faites attentions quand vous partagez ce genre d’information sur un compte public!
Je ne suis pas en train de dire que les enfants devraient disparaitre d’internet! Mais, comme parent, on devrait s’arrêter un peu plus et penser aux conséquences de la distribution massive des images de nos enfants, et de l’empreinte numérique qu’on leur crée. Je ne vous ai même pas parlé de l’intelligence artificielle et des hypertrucages (deep fake)… on ne sait pas ce qui nous attend dans quelques années!